4.5/5
Suite à leur collaboration avec Arno Strobl, chanteur et co-créateur de CINC (CARNIVAL IN COAL), les disséqueurs français du metal expérimental se devaient d’approfondir encore et toujours leurs recherches. C’est sans limites mais avec distinction que 6:33 nous présente « Deadly Scenes », troisième prototype issu de leur laboratoire. Et il faut croire que cette Création, aussi précieuse que soigneusement élaborée, ne tardera pas à être brevetée au sein de la communauté metal.
Très justement présenté comme « une pièce de théâtre sarcastiquement loufoque en neuf actes », l’album nous introduit les Sept Péchés Capitaux à travers les yeux de 6:33. Tel que son nom le présage, le prologue Hellalujah ouvre sur un chœur gospel et sa chanteuse lead (qui apparaîtra à plusieurs reprises en arrière-plan). Le morceau, irrésistiblement jazzy/rock et très technique, ne manquera pas de trotter dans la tête des auditeurs dès les premières écoutes. Il en est de même pour le diablement efficace Black Widow, que le monde a pu découvrir le mois dernier accompagné d’un clip aussi sombre que décalé. Qui donc oserait ne pas danser d’un rythme effréné sur cette composition racontant les méfaits de l’Envieuse Veuve Noire ?
On entre un peu plus dans la folie 6:33 avec Ego Fandango, un morceau constitué de deux ambiances bien distinctes : la première propose notamment un chant hip hop habilement placé de la part de Florent Charlet, ainsi que des orchestrations et des sons de cloche austères. La deuxième, quant à elle, brille par ses contretemps et ses multiples lignes de chant, procurant à ce morceau sur l’Orgueil une atmosphère résolument plus dansante et engageante.
On poursuit avec la Gourmandise sur The Walking Fed, illustrée par des percussions tribales et des sonorités électro du plus bel effet, sans compter les différentes voix qui se superposent dans le but d’amplifier son intensité. On retrouve cette accalmie, si tant est que l’on puisse opter pour ce terme, avec la Luxure de Modus Operandi, tandis que des sonorités dignes de Danny Elfman virent agréablement au « freak show ».
Point de gospel sur I’m A Nerd, cette fois-ci, mais un très beau chant d’église vite interrompu par une Colère métallique, des voix délurées, le tout coloré de tonalités quasi « cirquesques ». L’excellent final électro/funk semble pour sa part tout droit sorti de la bande originale de « Tron » ! Décidément, 6:33 ne tarie pas d’inspiration et de variations. Si à ce stade de l’album vous ne l’aviez toujours pas compris, ici, le message est clair !
On continue de changer de registre d’un instant à l’autre : le démarrage acoustique de Last Bullet For A Gold Rattle ressemble à s’y méprendre au travail de Mister Townsend sur son projet folk country CASUALTIES OF COOL. Un crescendo se forme avec l’accumulation progressive d’instruments, dont le but est de tenir compagnie au personnage Avare et à sa guitare sèche. Les voix apaisantes de Lazy Boy rappellent également le prodige canadien. Pour cette hymne anti-Paresse, 6:33 n’hésite pas à opposer des moments aériens et dépouillés à des passages agressifs et tonitruants, dont la seule visée est de secouer le protagoniste qui a abandonné toute activité depuis bien trop longtemps.
Enfin, c’est sur le titre éponyme, le plus progressif et le plus long, que la formation souhaite tout naturellement achever son œuvre : le narrateur évoque trois personnages interpellés par leur Bonne et leur Mauvaise consciences. On commence avec l’histoire de Glenn, victime de son addiction, puis celle de Tiger, rocker d’âge mûr qui semble être sur le point de commettre le péché de la Luxure avec une jeune fan… Cette « scène », très langoureuse, est finalisée par de superbes orchestrations en crescendo qui représentent l’un des moments forts de « Deadly Scenes ». On enchaîne enfin sur la troisième histoire, qui s’avère être le préquel de Giggles, Garlands & Gallows (lequel achevait l’album « The Stench from the Swelling », en 2013). Le décor « monstres de foire » est suivi d’une ambiance très rétro, avant qu’une dernière parole aux traits religieux ne ferme l’opus.
Rarement une formation (qui plus est, française !) aura été aussi ambitieuse et prometteuse que 6:33. Leur énergie délurée et leur jeu n’ont d’égal que leur créativité et leur pouvoir d’attraction. Le groupe récolte le meilleur de chaque genre, se l’approprie afin de le retourner au public dans son meilleur état possible. Certes, il faudra multiplier les écoutes afin que « Deadly Scenes » vous apparaisse enfin comme une révélation. Il se peut même que 6:33 vous fasse connaître une réelle Épiphanie. Mais n’ayez crainte : cette fois-ci, personne ne vous reprochera votre addiction…
TRACKLIST
1 – Hellalujah
2 – Ego Fandango
3 – The Walking Fed
4 – I’m A Nerd
5 – Modus Operandi
6 – Black Widow
7 – Last Bullet For A Gold Rattle
8 – Lazy Boy
9 – Deadly Scenes