4/5
Une œuvre signée Arjen Lucassen est toujours attendue avec beaucoup d’impatience par les adeptes du maestro néerlandais. Et même si la qualité est systématiquement au rendez-vous dans ses autres projets, qu’il s’agisse de STAR ONE ou de THE GENTLE STORM (né de sa collaboration avec la fantastique Anneke Van Giersbergen), ce sont bien les sorties AYREON qui fascinent le plus, notamment grâce aux nombreux invités de marque qu’elles accueillent !
La qualité de « The Theory Of Everything » (2013), qui proposait une fois de plus un cast des plus alléchant, est indéniable. Pourtant, certains lui reprocheront sa forme assez risquée : en effet, les quatre titres qui le composent, d’environ 20 minutes chacun, sont divisés en courtes pistes, compromettant ainsi l’écoute d’un segment isolé et soumettant l’auditeur à tout écouter sans interruption. Pour ce nouvel album, Arjen revient à la formule qui fonctionnait si bien sur « The Human Equation » (2004) ou « 01011001 » (2008), avec des titres riches et équilibrés qui se suffisent à eux-mêmes tout en représentant un tout harmonieux…
« The Source » ouvre sur une bombe du nom de The Day That The World Breaks Down, long morceau nuancé qui rassemble une multitude d’ingrédients familiers, tels que la flûte, les riffs et les fûts cognants, les synthés futuristes, les violons couplés à la guitare, et bien sûr, d’excellentes lignes de chant introduisant avec pertinence les interprètes. On a d’ailleurs du mal à savoir ce que l’on préfère : les vocalises de Michael Mills, le break jazzy qui met en évidence la superbe intervention de Russell Allen, ou encore la puissance de Floor Jansen, qui ferme la marche en apothéose. Mais, tous, sans exception, donnent le meilleur d’eux-mêmes d’entrée de jeu ! Nouveaux au bataillon d’AYREON (mais incontournables de la scène metal), Nils K. Rue, Michael Eriksen et Tobias Sammet font des entrées fracassantes dans des registres qu’ils maîtrisent sans efforts.
Bien qu’habitué à des titres heavy et accrocheurs, le fan aguerri ne pourra cacher son enthousiasme face à l’efficacité redoutable de morceaux comme Everybody Dies, une pure réussite qui n’est pas sans rappeler un certain Bohemian Rhapsody, dû à ses harmonies vocales colorées et sa structure audacieuse. Les envolées de Michael M. n’ont d’égal que sa voix grave pernicieuse, tandis que le duel entre Tommy Karevik et Tommy Rogers apporte un soupçon de théâtralité – ce dernier exécute même quelques screams du plus bel effet.
L’auditeur sera tout autant séduit par l’énergie de Run! Apocalypse! Run!, tandis que James LaBrie nous gratifie d’une performance en crescendo. Aquatic Race ressort victorieux, avec ses riffs lourds, tout comme l’exceptionnel Deathcry Of A Race sur lequel semble planer l’ombre d’un certain groupe appelé AFTER FOREVER ! D’autant que les diverses performances de Floor, chanteuse dans cette formation regrettée, appuient cette impression. Nous nous réjouissons également de parties orientales interprétées à la perfection par Zaher Zorgati qui s’alternent avec les surprenantes envolées lyriques de Floor et Simone Simons. Impossible, enfin, de passer à côté de Planet Y Is Alive!, où le révolté Tommy K. fait face à un Russell plein d’espoir, et où le refrain est interprété tantôt par un Hansi Kürsch triomphant, tantôt par une Floor passionnée.
Tout au long de sa carrière, Mister Lucassen a signé des mélodies exceptionnelles, notamment sur des morceaux plus lents, mais non moins transcendants : le magnifique Sea Of Machines, au refrain prenant, met en scène des flûtes et des violons mélancoliques. On y appréciera aussi la douceur du chant de Simone, parfaitement exploité. Les deux voix féminines de l’opus se mêlent avec brio sur All That Was, morceau aux influences joliment médiévales.
The Dream Dissolves, qui évoquerait presque le célébrissime Who Wants To Live Forever, démarre sur un effet d’attente, avant de nous proposer une montée en puissance au moyen d’une exquise instrumentale. On notera aussi la prestation vocale de Michael E., qui, décidément, marque à chacune de ses apparitions. The Source Will Flow a la particularité de nous immerger dans le monde aquatique nouvellement habité par nos personnages : une plénitude rare est procurée à l’auditeur grâce aux voix sereines de Tommy R., James et Simone, nous donnant une réelle impression d’isolement sous l’eau.
Ceci dit, et malgré de nombreux titres excellents, « The Source » contient des passages moins marquants. Ainsi, Star Of Sirrah et Bay Of Dreams font preuve de quelques lourdeurs, tandis que Condemned To Live manque de relief. Into The Ocean ressort surtout grâce aux interventions de Tommy K., embellies d’intéressantes improvisations.
De même, l’enchaînement des trois derniers titres donne l’impression d’une fin trop vite amenée : Arjen nous avait en effet habitués à des titres fermant bien plus efficacement ses opus – il n’y a qu’à écouter The Sixth Extinction ou Day 20: Confrontation pour s’en rendre compte.
The Human Compulsion, qui reprend un thème de Sea Of Machines, aurait mérité d’être davantage développé, bien qu’il expose une époustouflante succession de voix de plus en plus puissantes, pour terminer par l’explosive Floor Jansen ! Les fans se réjouiront d’entendre un sample du titre Age Of Shadows à la fin du fascinant March Of The Machines suivi de la phrase « The age of shadows will begin », liant avec brio la fin de « The Source » au début de « 01011001 ».
Une fois de plus, Arjen Lucassen ne nous déçoit pas et prouve, malgré l’humilité qui le caractérise, que son inspiration est sans limites. Fans et moins fans sauront à coup sûr apprécier « The Source » à sa juste valeur. Du reste, une immersion sans effort devrait suffire à séduire les plus sceptiques !
TRACKLIST
1. The Day That The World Breaks Down
2. Sea Of Machines
3. Everybody Dies
4. Star Of Sirrah
5. All That Was
6. Run! Apocalypse! Run!
7. Condemned To Live
8. Aquatic Race
9. The Dream Dissolves
10. Deathcry Of A Race
11. Into The Ocean
12. Bay Of Dreams
13. Planet Y Is Alive!
14. The Source Will Flow
15. Journey To Forever
16. The Human Compulsion
17. March Of The Machines