Par Elodie Beaussart
Tel un phénix renaissant de ses cendres, Adam « Nergal » Darski, le charismatique fondateur, vocaliste et guitariste de BEHEMOTH, nous avait déjà régalés avec l’album The Satanist, sorti après qu’il ait réussi à vaincre la leucémie qui a failli lui coûter la vie. Plus vivant que jamais, le Polonais revient avec l’opus suivant, au titre déjà évocateur et puissant : I Loved You at Your Darkest, nous invitant à le suivre dans sa quête luciférienne de la lumière au sein des ténèbres.
Le travail artistique autour de l’album en fait déjà une œuvre d’art à part entière, avec ces photographies qui invitent à une relecture de différentes scènes de la Bible et mettent en avant la beauté étrange et atypique du mannequin Melanie Gaydos. D’emblée, on est dans une communication efficace qui évoque les albums de MARILYN MANSON. Il y a un gros boulot derrière, un concept puissant, le disque est inséré dans une pochette qui révèle un tryptique saisissant mettant en scène la crucifixion de Nergal entouré des membres du groupe.
Dès le début du CD, on est assailli par un chœur de voix enfantines qui hurle un jugement définitif sur le Très-Haut, appelé directement par ses noms sacrés : « Elohim, je ne te pardonnerai pas ! Dieu vivant, je ne te pardonnerai pas ! ». On enchaîne violemment sur "Wolves Ov Siberia" qui enfonce le clou : « Nous nous sommes enfuis du Ciel pour venir violer le monde ! ».
"God = Dog" reprend le thème de Shiva cher à Adam « Nergal » Darski, aux prises avec le concept d’incarnation dans la matière. Un dieu peut-il s’incarner dans un chien ? Le mystère reste entier, souligné par le son lumineux et solaire de la guitare qui apporte sa respiration au sein du chaos créateur…
"Ecclesia Diabolica Catholica" opère le renversement théologique, clé de voûte de la spiritualité satanique de BEHEMOTH. La vraie divinité se trouve dans le serpent de l’Éden qui évangélise et impose sa volonté. Le son est absolument magnifique, le rythme colle savamment aux refrains, la voix de Nergal est dévastatrice.
On est à peine remis du choc que se profile l’introduction tribale du puissant "Bartzabel", invocation à l’esprit de Mars dans la lignée spirituelle d’Aleister Crowley, encore une influence chère au quatuor polonais. Le refrain est envoûtant et hypnotique, évoquant BATUSHKA, et le solo de guitare absolument fabuleux.
"If Crucifixion Was Not Enough" est un condensé de rage primaire qui accouche sur l’illuminé "Angelus XIII" et son final grandiose résumant à nouveau toute la philosophie satanique de BEHEMOTH : « Car je suis Christ sur moi-même, l’accusé devient l’accusateur… Car je suis Satan Incarné, Serpent Ancien Immaculé ! ».
"Sabbath Mater" est intéressant notamment par la transcendance du genre, Nergal entonnant le couplet par « Je suis Elle », la divinité satanique devenant ici féminine : « Bénie soit celle qui détruit, car elle est la Créatrice ! ». C’est encore assez rare dans le black metal pour que ça sonne très moderne et avant-gardiste.
"Havohej Pantocrator" invite à la communion parfaite, scandant avec dévotion et passion les noms de Satan, Lucifer, Léviathan et Bélial pour rendre hommage à la divinité satanique suprême. Magnifique morceau qui va être très intense en concert, à n’en pas douter.
Après "Rom 5 : 8", où Nergal nous gratifie de quelques mots en français, l’album se clôt par le prophétique "We Are The Next 1000 Years". La messe est dite, l’étoile du matin s’est levée dans nos âmes, Satan nous tient dans ses bras et la Connaissance luciférienne embrase notre conscience…
Il va falloir quelques écoutes encore pour que l’album se révèle complètement à nous dans sa beauté et sa maîtrise, mais déjà on sait qu’on vient d’entendre un chef d’œuvre de la scène black metal actuelle, l’album parfait d’un groupe toujours aussi avant-gardiste, visionnaire et inspiré.
TRACKLIST
1 – Solve
2 – Wolves Ov Siberia
3 – God = Dog
4 – Ecclesia Diabolica Catholica
5 – Bartzabel
6 – If Crucifixion Was Not Enough
7 – Angelvs XIII
8 – Sabbath Mater
9 – Havohej Pantocrator
10 – Rom 5 : 8
11 – We Are The Next 1000 Years
12 – Coagvla