Notre série de reportages consacrés au Brutal Assault touche à sa fin. C’est parti pour les deux dernières journées de cette excellente 24e édition !
Par nos envoyés spéciaux Stef, Clément & Lucinda.
VENDREDI 10 AOÛT 2019 – JOUR 3
En plus du soleil de plomb, les Espagnols de WORMED ont de quoi nous réchauffer et proposent du « gruiiiiik metal from space » ultra technique : autant dire qu’en début de journée, ça remplace bien son café pour se réveiller ! Sans les avoir écoutés au préalable, il est difficile de découvrir leur musique en live, tant le côté haché et l’aspect millimétré des compos rendent le tout peu abordable, sans compter ce type de chant auquel il nous est difficile d’adhérer. Pour autant, on reste malgré tout devant le concert jusqu’à la fin pour profiter de ce set bourré d’énergie. Comme quoi, ça mérite certainement une écoute plus approfondie !
Photo : Cédric Heckmann
Deux ans après le concert de VUUR au Dynamo (lire notre report), on a l’opportunité de revoir le jeune groupe et de constater leur évolution sur scène. L’emblématique Anneke van Giersbergen et ses musiciens mènent un set dynamique, et leur complicité n’est plus à prouver. En revanche, on déplore une setlist qui ne s’éloigne guère de celle du Dynamo, ainsi que l’absence de Ferry Duijsens à la guitare.
Ceci étant dit, Anneke ne déçoit jamais, et semble en parfaite forme vocale. Même si leur temps sur scène est relativement court, la chanteuse s’adresse à nous avec humour et précise qu’ils « adorent le soleil, mais (qu’ils) restent metal ! ».
Bien entendu, on n’échappe pas aux reprises de THE GATHERING : si On Most Surfaces est l’un de leurs titres les plus mémorables, on se doit d’admettre que son aspect pesant (qu’on adore néanmoins) fait retomber le soufflé, en cette après-midi ensoleillée. En revanche, Strange Machines fait toujours mouche, même s’il y a fort à parier que beaucoup ne viennent que pour ce morceau… On espère que VUUR, sans pour autant nous priver de ces bonnes reprises, parviendra à se détacher de tous les autres projets de leur leader afin de mettre en valeur leur propre identité !
Habitué du festival, les belges d’ABORTED déboulent sur la Sea Shepherd pour balancer une grosse dose de brutal death à la face de spectateurs, toutefois moins nombreux qu’attendu : Sven a même du mal à faire grossir un timide circle-pit, et ce n’est pas faute de relancer régulièrement la fosse. La chaleur de l’après-midi ne doit pas aider… Quoiqu’il en soit, sur scène, le groupe enchaîne les morceaux des trois derniers albums, mais revient malgré tout à ses débuts, remontant jusqu’à l’album « Engineering The Dead ». A noter également un duo avec Grimo (CYTOTOXIN) sur le titre A Whore d’Oeuvre Macabre tiré du dernier album « TerrorVision ». Un show tout en brutalité, comme les belges en ont le secret…
Aborted
Figure de prou du thrash et membre de l’officieux « big four » allemand, DESTRUCTION vient nous envoyer une bonne dose de metal testostéroné ! Difficile de parcourir une discographie si conséquente, avec un temps de jeu si restreint : pour autant, le groupe pioche dans différentes périodes de sa carrière et offre ainsi une setlist homogène. D’ailleurs, « Born To Perish », leur tout nouvel album, sort le jour même. Après le morceau éponyme, nous avons droit à une exclusivité : jamais joué en live, Betrayal est d’une efficacité redoutable ! Et c’est bien entendu le classique Bestial Invasion qui vient clôturer ce concert.
Grand nom de la scène death américaine, IMMOLATION fait partie de ces valeurs sûres à ne pas manquer. Le show est toujours assuré, et même si le dernier album est bien mis en avant (pas un problème au vu de la qualité), le groupe n’en oublie jamais ses précédentes sorties. Une bonne partie de la discographie est donc parcourue avec un Ross Dolan en forme et un Robert Vigna qui fait toujours autant de grands mouvements avec sa guitare (mais comment peut-il jouer ??!!). Avec des solos déchirants, la tendance apocalyptique des compositions apporte toujours autant ce surplus d’ambiance. Le public ne s’y trompe pas, et nous non plus. Du tout bon, comme d’habitude.
Les Anglais d’ANATHEMA démarrent leur set avec Can’t Let Go, extrait de leur dernier album en date, « The Optimist », ce qui entraîne le départ de certains spectateurs juste venus là « pour voir », ou bien d’anciens fans déçus des nouvelles sonorités… En vérité, le groupe assume complètement ses compos’ légères et leur style à part dans le festival. Vincent Cavanagh lancera d’ailleurs avec humour : « Au moins, pendant notre set, la sécurité peut se reposer un peu ! », ou encore un « Pas de moshpits : ces conneries, c’est pas pour nous ».
Pour continuer dans leur lancée, ANATHEMA annonce que le prochain titre sera « un morceau bien lourd », alors qu’il s’agit du très aérien Springfield ! Faute d’un set mémorable, le groupe aura marqué les esprits autant par ses particularités stylistiques que son humour britannique.
Le ciel largement éclairci met alors en valeur les silhouettes des Nazguls, perchés en haut du rempart qui fait angle avec les scènes principales, octroyant une ambiance bien particulière au set.
La nuit tombe : le moment où les Nazguls veillent plus que jamais sur leurs fidèles…!
C’est le crépuscule, et on se hâte devant l’Octagon avec presque 45 minutes d’avance pour ne pas manquer AU-DESSUS. L’espace se restreint peu à peu, et les cris du bassiste / chanteur se font entendre pendant les dernières minutes des balances. Puis, plus rien, un silence de mort : des interférences « noise » retentissent dans les enceintes, quatre hommes à capuches apparaissent sur scène comme des êtres venus d’ailleurs.
La violence et la noirceur des riffs surgissent tels des esprits éthérés et envahissent les tympans au point d’en hérisser les poils ! La rythmique très soutenue de la batterie nous donne vite l’impression de quitter notre enveloppe charnelle, pour un voyage dans une dimension inconnue, la dimension d’AU-DESSUS. Ces messagers des ténèbres nous guident vers un état transcendantal, un moyen de communication avec l’invisible ! Le groupe donne tout ce qu’il a dans le ventre pour nous pondre un final des plus sensationnel, et l’effet se fait ressentir aussitôt, avec un public dans un état second !
Retour devant la Jägermeister pour le show d’HEILUNG : entre les deux scènes, l’écran géant projette d’ores et déjà un joli texte afin d’introduire la prestation. Pour ceux n’ayant jamais vu le groupe en action, il est clair que cette heure passée devant un tel spectacle est plus que réjouissant, tandis que les visuels pagan, les rythmiques folk soutenus et cette atmosphère de rite ancestral envoûtent l’audience. Elle semble parfois plongée dans une transe que leur musique engendre aisément. Si on devait décrire le groupe de façon très barbare, on dirait des Vikings qu’ils sont les chauffeurs de salle venus d’un ancien temps ! Les cris de loup poussés par les chanteurs reçoivent même une réponse de la part du public. Et si un concert d’HEILUNG se doit d’être apprécié en salle plutôt qu’en festival, cela ne reste pas moins une belle apparition.
Heilung
Voilà un groupe aussi atypique qu’inattendu : ZURIAAKE débarque en costumes traditionnels chinois, muni de lanternes qu’ils posent sur scène, avant de se placer et ne quasiment plus bouger de cette pose… Leur black metal est très calme, laissant la part belle à l’ambiance et aux mélodies. L’atmosphère dégagée par les compositions du groupe l’est également sur scène, avec un jeu de lumière minimaliste et un côté enfumé qui nous plongent parfaitement dans leur univers. Seul le dernier morceau, un peu plus bourrin, nous sort de l’état méditatif dans lequel nous étions plongés. Une bien belle découverte !
Vient enfin un moment qu’on attendait avec impatience : celui de revoir EMPEROR en action ! Après avoir savouré l’intégralité de « In The Nightside Eclipse » en 2017 lors du Hellfest, nous avons la chance de nous délecter de 7 titres extraits d’ « Anthems to the Welkin at Dusk ».
Quelles que soient la configuration et la setlist, les concerts d’EMPEROR sont toujours aussi mémorables et semblent se dérouler à une allure folle. Ihsahn est en forme, et n’hésite pas à lancer des sourires radieux à la foule conquise. On apprécie également un son excellent, le tout enveloppés dans la douceur de cette nuit d’été.
Seul artiste programmé sur la K.A.L. Stage qu’on connaissait déjà un peu, PRURIENT nous a bien surpris : loin des longues plages d’ambient proposées sur les derniers albums, nous avons ici droit à un set bien bourrin et à un « explosage » de tympans en règle ! Quand les gens s’en vont petit à petit en se bouchant les oreilles, c’est qu’il semblerait que le son soit un tantinet trop fort… Par ailleurs, la salle est très enfumée (ok, comme pour tous les groupes passant sur cette scène !), donc on ne voit rien, de surcroît. Tout juste discerne-t-on la silhouette de Dominick Fernow par moments… Sans toujours comprendre ce qu’il se passe, cette performance a malgré tout un côté assez hypnotique.
Un cadre magnifique pour se soulager la vessie, et autres joyeuses activités !
SAMEDI 11 AOÛT – JOUR 4
Dernière ligne droite ! Les espagnols d’ALTARAGE ont déjà commencé lorsque nous arrivons. Sur scène, les capuches sont de sortie (c’est la mode) et le visage des musiciens est recouvert d’un voile. De ce que nous avons pu voir, l’aspect chaotique des morceaux ressort relativement bien en live, mais ce chaos est malgré tout assez sage. Autant l’album s’écoute très bien, autant là, il est difficile de se plonger dans le show et l’apprécier pleinement. Par ailleurs, le set se termine sur une boucle de riffs assez longue qui a tendance à faire un peu « remplissage »…
Cytotoxin (Photo : Cédric Heckmann)
On reste devant la Sea Shepherd pour ne pas manquer une miette du show de CYTOTOXIN. Le temps est lourd, la menace d’une pluie diluvienne est plus présente que jamais, le public s’impatiente, mais ce n’est que de courte durée… Sur scène, les premières vapeurs émanent des barils radioactifs et le son d’un compteur Geiger se fait entendre. Ça y est, nous venons d’entrer dans la zone irradiée ! Les membres arrivent sur scène, chacun leur tour, portant un masque à gaz, puis le chanteur apparaît avec son tonneau jaune d’où s’échappe une épaisse fumée jaune.
Le show débute avec une énergie atomique, une musique brutale, des musiciens performants et efficaces, un chanteur charismatique et dynamique qui ne manque pas de brandir un panneau de signalisation routière pour ordonner au public d’effectuer des circles pits !
Il n’hésitera pas à aller dans la fosse avec son petit baril pour se joindre aux festivaliers et en créer un avec eux.
Le concert se termine sur une note positive de la part des membres du groupe, nous rappelant l’importance des événements tels que celui de Tchernobyl et de prendre soin de notre environnement. Une très bonne initiative pour conclure !
Vampillia (Photo : Cédric Heckmann)
Assister à « l’aveugle » au concert de VAMPILLIA a été l’une des meilleures décisions prises par l’équipe lors de cette journée. Après une longue introduction prog mise en valeur par le violon, qu’on aura le plaisir d’entendre clairement, ou encore les claviers, et pendant laquelle le chanteur tente de slammer (!), VAMPILLIA offre à la foule des airs transcendants.
Cet hybride de post-black et de rock expérimental donne la possibilité à l’interprète d’agir en possédé, de se taper la tête et de captiver l’audience, véritablement émue… Et ce n’est pas la pluie fine qui tombe de façon poétique sur la foule qui viendra contrer cette ambiance des plus particulière !
Ce concert reste l’un des meilleurs auxquels on a assistés sur cette édition et constitue également l’une des meilleures découvertes musicales.
Oceans Of Slumber (Photo : Cédric Heckmann)
Hélas, c’est un déluge qui s’abat sur nous tous en cet ultime jour de festival, favorisant la fréquentation des différents abris mis à notre disposition, à commencer par l’Obscure Stage. Si on ne fait pas exception, on souhaite aussi sincèrement voir OCEANS OF SLUMBER en action, et c’est justement là qu’ils passent, alors, tant mieux !
En dépit d’une setlist qui ne met pas en valeur la formation, on a le plaisir de savourer le chant exceptionnel de Cammie Gilbert, dont les gestes austères n’ont d’égal que la beauté de sa voix et de sa technique. Le public ne cache pas son admiration et applaudit généreusement l’interprète, qui mérite cet engouement.
Le concert s’achève avec le monumental The Banished Heart, mais qui, dans sa version quelque peu altérée, ne révèle pas réellement le talent d’OCEANS…
Difficile de dire si quelqu’un a déjà entendu parler de VIOLENT MAGIC ORCHESTRA avant leur passage au Brutal Assault, mais en voyant que le projet est mené par des membres de VAMPILLIA, la curiosité d’un bon nombre d’entre nous en a été titillée. En revanche, le style est tout autre, avec une sorte de black électro / indus complètement dément. La chanteuse s’écorche les cordes vocales sur une musique à la rythmique effrénée venant violenter nos tympans. Dans une ambiance enfumée, le jeu de lumière se fait épileptique et nous scotche littéralement. Plusieurs membres du groupe n’hésitent pas à venir au plus près du public, voire à partir en slam. Un concert de dingue !
Dansons sous la pluie !
Ils ont beau être français, les prestations d’ANTAEUS se font rares. Leur passage au Brutal Assault est donc un événement à ne pas manquer. Malheureusement, la déception fut à l’image de l’attente : grande. Alors certes, l’énergie dégagée par des titres très directs rend la prestation furieuse, mais nous avons sans doute droit au son le plus dégueulasse de ces quatre jours de fest… Au final, pas grand chose à retenir d’autre qu’une batterie couvrant quasiment tout le reste. Dommage. Du coup, on part avant la fin, à l’instar de beaucoup d’autres…
On retourne devant les Main pour apercevoir de loin le show énervé de NAPALM DEATH. Les Anglais communiquent toujours autant avec le public et nous sert à nouveau leur reprise des DEAD KENNEDYS. Donc pas de surprise de ce côté-là, mais c’est toujours un plaisir de les voir en action, à étaler cette débauche d’énergie communicative. Impossible de s’ennuyer avec eux ! Par ailleurs, ils nous annoncent que, si la sortie du nouvel album se fait attendre, elle ne tardera plus très longtemps. Une bonne nouvelle pour les adeptes !
Napalm Death, ou la jeunesse éternelle !
C’est avec émotion qu’on assiste à notre dernier concert du Brutal Assault XXIV, avec MGLA et leur black metal au top. Les autres fois où on a pu voir le groupe, la scène était peu éclairée. Ici, les lumières sont plutôt éclatantes. Peut-être vont-ils bientôt jouer à visage découvert…?! Bref, les Polonais font succéder leurs sombres compos’, comme à leur habitude, et n’octroient que peu de pauses au set. Niveau communication avec le public, c’est zéro, mais on ne pourra pas nier que ça envoie !
On bénéficie d’une petite variation de setlist par rapport aux concerts précédents, avec deux titres extraits du prochain album “Age of Excuse”.
Un groupe qui démontre qu’il n’est pas toujours nécessaire d’en faire des tonnes pour assurer un bon show. La musique se suffit à elle-même, et la prestation est impeccable !
________________
Vous l’aurez compris, à la lecture de nos quatre (!) articles sur le sujet : participer à cette édition fut un réel plaisir pour toute l’équipe présente. On peut féliciter le staff de nous offrir un festival si bien organisé et où on se sent simplement bien, nichés dans la forteresse, et nourris d’un lineup diversifié qui révèle le désir de ne pas tomber dans la facilité.
Un conseil, donc, pour ceux n’ayant pas encore foulé le sol de Jaromev : n’hésitez plus à faire l’expérience du Brutal Assault, d’autant que la prochaine édition célébrera le quart de siècle du festival. Une quinzaine de noms a déjà été annoncée et promet de nouveau du lourd…!
________________
Photos (hormis lorsque mentionné) : Radek Holeš, avec l’aimable autorisation du Brutal Assault !