Il aura fallu 3 ans au groupe néerlandais de Martijn Westerholt pour nous présenter le successeur d’ « April Rain » (2009), que l’on attendait déjà pour l’année dernière. Des problèmes notamment liés au label ont en effet retardé la sortie de « We are the Others », ce qui n’avait pas empêché au groupe de jouer au public trois nouvelles compos lors de leur tournée européenne en 2011.
Première impression qui reste valable sur la majorité des titres : le son DELAIN a mûri. On se souvient des compositions d’ « April Rain », quelque peu naïves, aux mélodies et aux structures trop simples, et qui avaient déçu les grands admirateurs du premier album. Si cet album est néanmoins plus proche d’ « April Rain » que celui-ci était proche de « Lucidity » (2006), l’évolution est bien là, et ce dès le premier morceau, Mother Machine (présenté en live sous le nom de Manson). Introduit par une atmosphère industrielle, ses riffs rentre-dedans expriment une certaine fougue sur une mélodie qui demeure malgré tout lumineuse et typique du groupe.
L’évolution se constate également au niveau du chant de Charlotte Wessels, qui parvient à magnifier sa voix sur tous les morceaux, malgré un léger manque de puissance dans les notes aiguës.
Cette approche rentre-dedans est de nouveau appréciable sur Milk and Honey, qui avait déjà bien marqué les esprits en live ; si les couplets se font lents et sensuels, le titre est jonché de riffs et de notes électriques, créant une vague sombre sur ce morceau au tempo lourd. Get the Devil out of Me, premier single du groupe, offre des guitares mises en avant sur les couplets ainsi que des sonorités électro bien exploitées. Les couplets orientalisants et heavy de Hit Me With Your Best Shot contrastent avec un refrain efficace, qui présente une mélodie et des effets très pop.
Where is the Blood est sans doute le morceau le plus inattendu, où les influences neo metal s’apparentent largement à du LACUNA COIL. Le titre accueille d’ailleurs une voix masculine, celle de Burton C. Bell, de FEAR FACTORY. Pour faire face à cette agressivité momentanée, Charlotte Wessels n’hésite pas à offrir un peu plus de puissance sur le refrain.
DELAIN ne lésine cependant pas sur les rythmes simples et les belles mélodies auxquels ils ont toujours attaché une grande importance ; ainsi, malgré les riffs trop classiques d’Electricity, les samples discrets sur les couplets et les différentes voix sur le refrain ramènent élégamment à « Lucidity » et offrent à l’opus l’un de ses titres les plus inspirés.
Le morceau le plus accessible semble être la chanson-éponyme, dont les paroles relatent l’histoire de Sophie Lancaster, jeune britannique gothique punk battue à mort dans la rue. Le titre présente une mélodie malgré tout positive sur un refrain trop peu inspiré pour une chanson-titre. Cependant, le pont se fait calme et émouvant, alors que les simples paroles et les chœurs d’enfants arrivent à toucher l’auditeur.
Aussi étonnant que cela puisse paraître de la part du groupe, « We are the Others » ne comporte aucune ballade, si on excepte le début de I Want You, plutôt calme, avant que le morceau ne s’active brusquement au moyen de riffs rappelant immédiatement le style « Absolution » de MUSE.
Bien que nous les accueillions à bras ouverts, les orchestrations de Babylon et Generation Me parviennent difficilement à dissimuler un manque global d’originalité, et Are you Done with Me sonne tellement déjà vu qu’elle aurait pu trouver sa place sur la bande-son d’une série pour adolescentes…
Heureusement, l’album se ferme sur une pièce qui sort du lot, mélancolique et dotée de belles orchestrations – comme la tradition l’exige. Les vocalises angéliques de Charlotte ressemblent à s’y méprendre à celles de Liv Kristine, qui faisait d’ailleurs partie des guests sur « Lucidity ».
En tout et pour tout, « We are the Others » apporte un peu plus d’audace au son du groupe et s’impose en cela comme une réussite. DELAIN développe ses influences rock symphonique et en explore d’autres, sans perdre de vue ses racines qui font une apparition discrète ici et là. On déplore les éternelles structures banales de presque tous les morceaux et leurs refrains répétitifs, qui risquent de lasser l’auditeur en quête d’un soupçon de renouveau et de complexité.
Au contraire, on salue les influences électro, l’énergie apportée à chaque titre par les guitares et le chant très convaincant de l’interprète.