Cette date au Moulin promettait d’être historique, et ce, pour d’innombrables raisons : c’est avant tout la dernière fois qu’ETHS se produisait à Marseille, après avoir annoncé leur séparation en novembre dernier. Cela faisait également onze ans que les cinq membres originaux – à savoir, Staif, Roswell, Greg, Guillaume et Candice, n’avaient pas été réunis sur une même scène. C’est donc avec un enthousiasme non dissimulé que les plus grands fans des Marseillais ont accueilli l’événement, dans la communion la plus totale.
Treize ans plus tôt, c’est dans la salle des fêtes de ma propre ville (Vitrolles) que j’avais eu l’opportunité de voir ETHS précéder AQME sur scène, alors jeune metalleuse déjà adepte de leur son déstabilisant. Et il semblerait bien que la majeure partie du public ait également été bercée (si tant est qu’un tel mot puisse les qualifier !) par leur poésie noire durant leur adolescence, en particulier avec la découverte de « Soma » en 2004. D’où, peut-être, l’impression de se réunir en famille…
À 20h pétantes, BABYLON PRESSION prend place et déjà, la salle est pleine à craquer : une fois n’est pas coutume, les Sudistes se sont déplacés en nombre. Le groupe, qui présente ce soir leur nouvel album « Heureux d’Être Content », enrage l’audience, malgré une prestation, certes drôle et intéressante, mais relativement statique (à l’exception du bassiste aux longues dreadlocks, qui n’est autre que Roswell lui-même). À en croire les fans de la première heure, les morceaux récents ne possèdent pas la gnaque des premiers albums, et on constate effectivement que certains titres défoulent plus que d’autres. Néanmoins, les spectateurs sont heureux d’assister à la performance d’un groupe qu’ils ont pour la plupart découvert à la même époque qu’ETHS.
C’est au tour d’AQME de maintenir la chaleur dans le Moulin. Nous vous le disions plus tôt, cette soirée était à marquer d’une pierre blanche : le groupe célèbre pour sa part les quinze ans de son album « Sombres Efforts », qui contient notamment le tube « Si » N’Existe Pas. AQME ne cache pas sa joie d’être là et interagit volontiers avec le public. Bien entendu, pogos et « wall of death » seront encouragés et, contre toute attente, le chanteur Vincent Peignart-Mancini, véritable pile électrique montée sur ressorts, nous invitera à tous nous asseoir pour introduire l’un de leurs morceaux ! Le groupe n’a en rien perdu l’énergie qui les animait treize ans plus tôt.
AQME nous quitte, tandis que l’association Edza films et le collectif Kick Your Eyes commencent à s’installer derrière caméras, GoPro, et autres appareils reflex : en effet, l’ultime concert d’ETHS à Marseille est filmé et verra le jour dans quelques mois sous la forme d’un DVD / Bluray / CD ! Une campagne Ulule donne la possibilité aux fans de précommander leur exemplaire afin de financer sa production.
Le public commence à appeler le groupe tandis que ses membres font leurs dernières balances : la température ne s’arrête plus d’augmenter ! ETHS arrive, le sourire aux lèvres, reconnaissant de l’engouement sincère de la foule venue les honorer une dernière fois. L’inimitable Candice ne manquera pas de nous remercier chaleureusement, alors que son audience boit ses paroles et n’aura de cesse de scander son nom tout au long du concert.
S’il s’agit bien d’une réunion du lineup original, deux autres musiciens se joignent au groupe sur certains titres : ainsi, RUL se positionne derrière les fûts à la place de Guillaume sur Ondine ou Hercolubus, tandis que Damien Rivoal s’empare de sa basse sur, entre autres, Gravis Venter. Cette association d’anciens et nouveaux membres rend l’absence de Rachel Aspe, chanteuse (et visage) du groupe de 2013 à 2016, d’autant plus curieuse. Mais d’obscurs différends auraient encouragé ce choix de ne pas la convier… Ceci étant dit, la soirée est un tel succès dès le début qu’elle ne sera aucunement obscurcie par ce détail, en dépit du fait que Rachel avait fini par être bien appréciée par les fans du groupe. L’album « Ankaa » (2016), seul opus comportant le chant de la jeune femme (si l’on excepte l’EP qui l’a précédé), sera tout de même représenté à travers l’impressionnante interlude Sekhet Aaru, digne des plus belles musiques de film.
En cours de route, Candice évoquera les raisons derrière cette reformation : en effet, ces deux dernières années, la communauté metal a perdu deux amis chers : Ju Isilion et Mika Bleu. ETHS, mais aussi d’autres acteurs de la scène metal tel que Virgil de Trendkill, ont ainsi souhaité leur rendre hommage en organisant cette date.
La groupe nous offre des vieux titres issus de leurs deux premiers EP : le torturé « Pourquoi », qui ouvre les hostilités après une intro prenante, prouve à tous que Candice n’a en rien perdu sa prestance, comme si ces cinq ans d’absence n’avaient pas existé ! Comme à son habitude, elle passe d’un calme troublant à un jeu de scène violent et passionné, et n’hésite pas à courir, headbanguer énergiquement et visiter les côtés de la scène. Ainsi, les « Salope ! » de À La Droite de Dieu, morceau aussi court qu’il n’est brutal, sont hurlés avec autant de naturel qu’avant ! De même, sa complicité avec Staif n’est plus à prouver. Très vite, nous enchaînons avec le célèbre Samantha, au refrain entêtant et à la fin austère et horrifique.
Ce sont néanmoins les albums « Soma » (2004) et « III » (2012) qui seront mis à l’honneur, pour ma plus grande satisfaction – il s’agit en outre des deux opus les plus efficaces de leur discographie. L’incontournable Détruis-Moi, alors repris en chœur par les fans, nous permet de constater que la voix claire de la chanteuse est restée intacte, ce dont nous pouvons pleinement profiter grâce au son limpide du Moulin. En revanche, nous regrettons que la fin poignante d’Adonaï soit encore et toujours éludée dans sa version live, car elle constitue réellement un moment fort de l’album.
Nous nous réjouissons également de la présence des deux meilleurs titres de l’album « Tératologie » (2007), à savoir Bulimiarexia et Tératologie, qui possèdent des passages exquis. ETHS nous fait également le plaisir de jouer de beaux morceaux intenses et mélodiques de sa discographie tels que Animadversion et Anatemnein, ou encore la monumentale conclusion instrumentale de Gravis Venter, constituant l’un des moments les plus mémorables du show. Ces passages prouvent bien qu’ETHS aura été capable de beaucoup de choses surprenantes durant leur carrière.
On constatera que le public est davantage concentré sur la performance que désireux de pogotter et slammer à tout prix. Bien sûr, certains s’en donneront à cœur joie (comment pourrait-il en être autrement à un concert d’ETHS ?), mais ceci prouve bien que les fans sont avant tout présents ce soir pour apprécier pleinement la musique.
Bien entendu, des « À poil ! » fuseront dès le début, ce à quoi Candice répondra du tac au tac : « En vingt ans, on s’est pas mis à poil, c’est pas maintenant qu’on va commencer ! ». Staif et la chanteuse convieront d’ailleurs un des coupables sur scène pour une petite mise à nu ; toutefois, Candice le sommera de ne pas aller jusqu’au bout, car « il y a des enfants dans la salle ». Le malotru s’exécutera après avoir fait la bise aux membres, et finira par se jeter dans la fosse : une intervention tout ce qu’il y a de plus ordinaire de la part du groupe !
C’est la magnifique Ailleurs C’est Ici, morceau-phare de « Soma », qui clôt la performance avec beaucoup de force et de mélancolie. ETHS nous salue une dernière fois, et Guillaume, à l’instar de Monsieur « À Poil ! », se jettera dans la fosse pour terminer en beauté ! On sent que chacun des membres est bel et bien ému par cette soirée, par ce qu’elle représentait, et par l’incroyable réponse du public.
Mon sixième et dernier concert d’ETHS aura été étonnamment puissant et chargé en émotions. Il est sans conteste le meilleur du groupe auquel j’aie pu assister, mais aussi la meilleure prestation 2017 à ce jour ! Bravo ETHS, et merci pour ces belles années.
SETLIST
Pourquoi (Pourquoi, 2000)
Détruis-moi (Soma, 2004)
Infini (Soma, 2004)
À La Droite De Dieu (Pourquoi, 2000)
Samantha (Samantha, 2002)
Bulimiarexia (Tératologie, 2007)
Ondine (Tératologie, 2007)
Tératologie (Tératologie, 2007)
Hercolubus (III, 2012)
Adonaï (III, 2012)
Anatemnein (III, 2012)
Gravis Venter (III, 2012)
RAPPEL
Sekhet Aaru (Ankaa, 2016)
Animadversion (Samantha, 2002)
Crucifère (Soma, 2004)
Ailleurs C’est Ici (Soma, 2004)