Déjà en pleine tournée, SONATA ARCTICA s’apprête à sortir à la fin du mois leur huitième œuvre intitulée « Pariah’s Child » ; en plus d’être marqué par la venue d’un nouveau bassiste, ce nouvel opus propose un certain retour aux sources, dont le groupe avait visiblement grand besoin, sans pour autant écarter certaines expérimentations caractéristiques des trois derniers albums. Mais point trop n’en faut, à en juger les propos de l’incroyable chanteur et compositeur qu’est Tony Kakko…
Certains éléments, comme le loup et l’ancien logo sur la pochette, mais aussi quelques sonorités power metal font leur grand retour dans l’univers de SONATA ARCTICA. Dans le dernier trailer de « Pariah’s Child », tu as déclaré : « Sonata est de retour ». Pourquoi était-il nécessaire que le groupe « soit de retour » ?
Tony Kakko : Nous sommes de retour sur la « piste » que nous avons explorée sur nos quatre premiers albums. Nous l’avions délaissée avec « Unia » (2007) et les albums qui ont suivi. Huit ans plus tard, l’approche et le style du passé nous ont de nouveau inspirés. On s’est dit que c’était une bonne idée, alors que nous étions en pleins préparatifs du 15e anniversaire, l’été dernier. Cela nous a amené à réécouter les anciens albums afin de définir quelles chansons on aimerait jouer. Je n’avais pas écouté certaines chansons depuis dix ans, et je n’exagère pas ! Je croyais que ça allait être une vraie calamité de retourner à ces morceaux ; contre toute attente, ça n’a pas du tout été le cas ! J’ai donc décidé de redonner une chance à ce style en écrivant un morceau dans la veine de « Winterheart’s Guild » (2003) et de « Reckoning Night » (2004), ce qui a donné naissance à The Wolves Die Young. Tout le monde dans le groupe a adoré le morceau, et on a vraiment voulu que tout l’album aille dans cette direction…
Dans le trailer, tu affirmes également qu’aucune « famille musicale » ne voulait vous accepter en leur sein. Est-ce réellement important d’appartenir à l’un de ces genres ?
Non, pas du tout ! Mais ça m’ennuyait d’entendre les gens affirmer que nous nous placions nous-mêmes dans tel genre alors que ce n’était pas le cas. Ca a fini par me gonfler ! Je me suis rendu compte que ce n’était rien de plus qu’un plan marketing de la part des labels, à qui cela facilite les choses lorsqu’un groupe correspond exactement à un genre…
Mais nous avons toujours fait de la musique comme nous le voulions, avec des morceaux qui peuvent s’éloigner du genre initial. C’est sûrement ce qui fait qu’on n’est pas si faciles à promouvoir… Ceci étant dit, les gens qui ne s’en tiennent qu’à un seul style de musique ne trouveront pas ce qu’ils recherchent avec nous, ce qui est un peu triste. Je pense que l’appellation « metal mélodique » est le genre qu’on peut « accoler » à notre style… (Rires) Nous avons aussi des sonorités rock, mais c’est le metal qui prime sur le reste.
« Stones Grow Her Name » (2012) rappelait beaucoup « Unia », tandis que « The Days of Grays » (2009) se concentrait davantage sur l’orchestre et les émotions. Pourtant, « Pariah’s Child » semble de nouveau prendre un tout autre chemin. Pourquoi ne pas avoir plutôt essayé d’approfondir les influences des récents albums ?
Je crois que nous sommes allés suffisamment loin, pour ne pas dire trop loin dans la recherche de nouveaux sons, album après album ! Les gens commençaient à ne plus s’y retrouver et, pour tout te dire, on essaie de vivre de notre musique ! (Rires) C’est plus qu’un loisir pour nous. On souhaite écrire de la musique que les gens peuvent apprécier d’un album à l’autre. Pour moi, les trois derniers albums étaient plus… « artistiques », peut-être même cathartiques ! (Rires). En un mot, une sorte d’exploration. On a fait pas mal de choses bizarres, sans se soucier de quoique ce soit, hormis de ce qu’on voulait nous.
Cette fois, l’une des raisons qui nous ont fait changer d’approche, c’est que nous avons remarqué pendant la tournée « Stones Grow Her Name » que certains morceaux, qui fonctionnaient très bien sur l’album et rendaient quand même bien en live, avaient aussi tendance à « ralentir » les concerts. Ce n’était pas aussi joyeux et drôle qu’un concert de SONATA ARCTICA se doit d’être… Avant, on avait des titres avec des rythmes plus rapides, et il y avait vraiment des mouvements de foule. Maintenant, on n’a plus trop de headbangers dans le public ! (Rires) À la place, il y a des gens que nous n’avions jamais vu auparavant, ce qui n’est pas une mauvaise chose, loin de là. Quoiqu’il en soit, le concerts avaient perdu la saveur « SONATA ARCTICA ».
Nous avons joué beaucoup de morceaux issus de « Stones Grow Her Name » pendant cette tournée. L’un des objectifs que je me suis fixé lorsque j’ai commencé à écrire le nouvel album était d’inclure davantage de chansons rapides dans notre setlist, et je pense qu’avec cet album, on aura de quoi faire !
Le nouveau clip, The Wolves Die Young, est sorti il y a quelques semaines déjà. Pourrais-tu nous parler de l’histoire développée dans la chanson et du clip ?
Un vers de la chanson est connecté au vieux conte d’Andersen « Les Habits Neufs de l’Empereur ». J’ai écrit beaucoup de versions différentes pour les paroles, et j’ai fini par garder celle-ci. C’est l’histoire d’enfants – les loups, qui sont capables de voir le déguisement de la reine ; ils peuvent voir à quel point c’est une vraie garce ! (Rires) Elle a la particularité de ne rien porter. Il y a aussi une prophétie qui dit que ces enfants, qui peuvent voir au-delà de son déguisement, détrôneront la reine un jour, comme le disent les paroles. Alors, la reine décide de se débarrasser de ces enfants.
En ce qui concerne le clip, nous n’avons passé qu’une journée à Lahti (Finlande, ndlr) accompagnés du réalisateur Patric Ullaeus pour tourner nos scènes. On n’a pas participé au reste du tournage… Je crois que tous les acteurs qui apparaissent dans le clip sont suédois. Je n’ai pas eu le temps de me retourner que Patric m’envoyait déjà la version finale du clip par mail !
Es-tu satisfait du résultat final ?
Oui ! C’est superbe, compte tenu du temps et des moyens que nous avions. J’en suis très content.
Pasi Kauppinen est le nouveau bassiste de SONATA ARCTICA. Comment se sont passés l’enregistrement, les répétitions et les concerts avec lui jusqu’à présent ?
Tout se passe à merveille ! Je crois que c’est le gars le plus cool que tu rencontreras jamais dans ce milieu ! (Rires) C’est très facile de bien s’entendre avec lui. C’est également un excellent bassiste et, cerise sur le gâteau, il possède son propre studio. C’est d’ailleurs lui qui a mixé le nouvel album. En bref, il nous convient parfaitement. On a certes dû laisser partir une personne formidable (Marko Paasikoski, ndlr) mais on ne pouvait espérer mieux pour le remplacer.
Des bruits de la vie de tous les jours jonchent « Pariah’s Child », notamment sur Clood Factory et Blood. Pourquoi était-ce important d’intégrer ces sons à ta musique ?
Ils permettent de dresser le décor, notamment en ce qui concerne l’usine. Ils transportent l’auditeur dans un environnement complètement différent. Si tu ne fais que chanter une chanson à propos d’une usine, cela n’est pas concret… J’aime créer ce genre d’ambiance. C’est super aussi d’avoir ces passages en live, au moins, ça nous donne quelques minutes de répit en coulisses ! (Rires) Ces bruits créent l’atmosphère souhaitée, et je pense que c’est une chose importante.
X Marks the Spot a vraiment retenu mon attention : pourrais-tu nous en dire plus sur cette chanson ainsi que sur ce personnage qui intervient à plusieurs reprises ?
Le personnage principal, que nous appelons « le prêcheur », est interprété par Jarkko Koskinen. C’est un ami d’Elias (Viljanen, guitares, ndlr). On l’a rencontré pour la première fois à l’un de nos concerts ; il a commencé à parler avec cet accent du sud des États-Unis en s’amusant à imiter un prêtre, et je suis tombé raide dingue de ce petit quelque chose qu’il possédait. Deux ans après environ, quand j’ai commencé à travailler sur le morceau, j’ai réalisé que ce titre serait parfait avec Jarkko dessus.
La chanson parle des gens qui meurent en ayant laissé la religion (ou autre) toujours tout leur dicter, sans qu’ils aient réfléchi avec leur propre matière grise. Ils préfèrent laisser le leader de tel ou tel culte prendre le contrôle de leur vie, et je pense qu’il n’y a rien de plus triste. Je connais quelqu’un qui a pris ce chemin et honnêtement, ça a tendance à m’indigner… Donc c’est une histoire que je raconte, mais elle comporte aussi une touche personnelle. Au-delà de ça, c’est juste une grande rigolade ! Je crois même que c’est la chanson la plus drôle qu’on ait jamais faite, et on le doit surtout à Jarkko !
Larger than Life parle d’un acteur de théâtre. Te sens-tu connecté à ce genre de personnage et aux propos qu’il tient ?
Les acteurs et les autres artistes se ressemblent par bien des aspects, dans le sens où ils doivent sacrifier quelque chose de leur être. En faisant cela, on perd forcément une partie de notre vie. Larger than Life raconte l’histoire d’un jeune homme qui décroche un rôle important et l’interprète à merveille : il devient alors riche et célèbre. Il interprète beaucoup d’autres rôles dans le monde entier et obtient tout ce dont il a toujours rêvé et plus. Seule une chose manque à l’appel : tous ses amis ont fondé une famille, ils ont des enfants et même des petits-enfants. Lui n’a aucune de ces choses. À un moment donné, il réalise ce qui importe vraiment dans la vie. Il commence alors à se battre pour l’obtenir, et finit par trouver le bonheur. Il a donné un nouveau sens à sa vie, autre que sa carrière. Pour une fois, la chanson finit bien, et je pense que la morale de cette histoire et qu’il ne faut jamais abandonner. Il n’est jamais trop tard pour changer… Quelque soit la voie qu’on emprunte, on peut toujours trouver le bonheur.
Revenons quelques années en arrière, avec le morceau The End of this Chapter, issu de l’album « Silence » (2001). Qu’est-ce qui t’a inspiré cette histoire dans laquelle un homme n’arrive pas à renoncer à son ex-petite amie ?
J’ai été inspiré par les films que je regardais à l’époque, comme « Scream »… Les relations qui finissent mal sont une source d’inspiration pour moi et me fascinent ! Je n’arrive pas vraiment à m’inspirer d’histoires d’amour heureuses… J’ai comme l’impression que les histoires mélancoliques engendrent un art plus « noble », même si c’est un peu ridicule… En réalité, The End of this Chapter, Caleb, Juliet et Don’t Say A Word parlent plus ou moins de la même chose, mais en donnant un point de vue différent. Ça pourrait faire un bon film, si quelqu’un voulait bien prendre la peine de les rassembler.
Timo Kotipelto, le chanteur de STRATOVARIUS, a participé aux chœurs sur deux albums de SONATA ARCTICA. Avez-vous pensé à faire un vrai duo un jour ?
Euh… Non (Rires). On y a jamais vraiment pensé. Mais rien n’est impossible. C’est un drôle de monde. Je ne sais pas… Ce n’est pas une si mauvaise idée !
Vous avez joué The Wolves Die Young pour votre tournée-anniversaire en Finlande. Comment le titre a été reçu ?
Le titre ouvre les concerts, et comme la tournée ne fait que commencer, les gens étaient surpris de l’entendre. Mais je pense qu’ils l’ont bien reçu, et j’ai vu quelques sourires dans le public. Et puis, c’est une bonne manière de présenter Pasi, avec le solo de basse qu’il joue avant même que je ne commence à chanter !
À part ça, qu’est-ce que vous avez prévu pour le 15e anniversaire ? Je sais que vous allez bientôt partir en tournée en Amérique du Sud à cette occasion…
La tournée commence la semaine prochaine. Ensuite il y aura la tournée européenne en avril. Mais la tournée ressemblera plus ou moins aux précédentes : on a juste retiré des morceaux qu’on a trop joués auparavant, comme Paid in Full, que nous avons joué à tous les concerts sans exception depuis que le titre est sorti. Il sera donc remplacé par une nouvelle chanson.
On va également jouer des titres qu’on n’a plus joué depuis longtemps, comme My Land, Kingdom for a Heart, Wolf and Raven, The Cage, etc. Les concerts se concentreront sur le Metal « old school » de SONATA ARCTICA. Le public finlandais a apprécié !
D’ailleurs, après tant d’albums, comment vous-y prenez vous pour décider des morceaux qui apparaîtront sur la setlist ?
Sur chaque album, il y a des morceaux qu’on ne peut pas retranscrire vraiment en live. Soit ils sont impossibles à jouer, soit ils sonnent mieux sur l’album. La première étape est donc d’éliminer ces chansons avant de se retrouver avec un « squelette » de setlist. Bien sûr, il y a des morceaux qu’on ne peut pas ne PAS jouer, comme Don’t Say A Word ou Full Moon. Mais tout le monde dans le groupe a son mot à dire : si l’un d’entre nous n’a pas forcément envie de jouer une chanson à un concert, ça ne pose pas de problème, et on essaie toujours de se mettre d’accord. Mais effectivement, chaque album supplémentaire rend la tâche plus difficile…
L’automne prochain, le groupe DELAIN part aux États-Unis en tournée avec vous. Les deux groupes ont déjà tourné ensemble il y a cinq ans. As-tu écouté leurs albums récents ?
Je dois admettre que non ! (Rires) Récemment, j’ai écouté pas mal de vieux albums. Je me suis penché sur LED ZEPPELIN l’été dernier (Rires). Je n’avais jamais vraiment réussi à accrocher, mais un jour je me suis mis à lire leur biographie, et j’ai décidé d’écouter leur musique en guise de bande originale pour ma lecture… J’ai fini par adorer ! Je suis complètement inculte de ce qui se fait en ce moment, sauf lorsqu’il s’agit de Devin Townsend. Lui, il marche à tous les coups !
Pour revenir à DELAIN, je me souviens avoir fait un duo avec Charlotte (Wessels, chant, ndlr) sur Last Drop Falls parce que j’étais malade et qu’elle connaissait le morceau. Elle m’a bien aidé, sur ce coup-là !
Récemment, tu as participé à l’album solo de Tuomas Holopainen, « The Life and Times of Scrooge ». Connaissais-tu le livre avant cette collaboration ?
Oui ! Je connais le travail de Don Rosa depuis 1990, que j’ai pu voir dans le Donald Duck Magazine finlandais « Aku Ankka ». A l’époque, le nom des artistes n’était pas indiqué sur le magazine, contrairement à aujourd’hui… Je me suis penché sur le travail de ce nouveau venu, qui avait une nouvelle manière de procéder. Les années ont passé, il a publié de plus en plus de son travail unique, et a fini par publier un livre, que j’adore ! Et c’est bien sûr le cas pour Tuomas. On en a discuté et il y a quelques années de cela, il commençait à dire qu’il aimerait écrire une sorte de bande originale du livre. J’ai pensé : « Waouh ! Ça serait super ». Et il a enfin réussi à concrétiser ce projet ! (Rires)
L’univers de SONATA ARCTICA est rempli d’histoires, de divers personnages et d’éléments très théâtraux. As-tu déjà pensé à approfondir cela et faire quelque chose en lien au théâtre ?
J’en ai discuté avec Mikko P. Mustonen, qui s’occupe des orchestrations de nos albums, comme celles de Larger than Life sur « Pariah’s Child », notamment. J’espère qu’un jour, nous aurons le temps d’aller plus loin et d’approfondir cette narration. Mais ça devra être autre chose qu’un Rock Opera, car le concept est usé jusqu’à la corde ! (rires) Ceci étant dit, SONATA ARCTICA me prend tout mon temps. J’ai même prévu de sortir mon album solo, mais en plus de prendre tout mon temps, le groupe me prend aussi mes compos’… Par exemple, dans « Pariah’s Child », la chanson Take One Breath était supposé aller sur mon album solo. Mais bon, c’est comme ça ! (Rires)