L’homme aux mille projets, le papa d’AYREON, le baba cool du metal progressif… Oui, vous aurez reconnu le grand (très grand) Arjen Anthony Lucassen, qui revient cette année avec un nouveau cru : THE GENTLE STORM. Cette fois, le génie n’est pas seul aux commandes, puisqu’il co-écrit un premier double-album avec la toute aussi emblématique Anneke Van Giersbergen, connue pour ses douze ans passés au sein de THE GATHERING, puis pour sa brillante carrière solo aux accents pop rock.
« The Diary », orné de la voix scintillante d’Anneke et d’une multitude d’instruments aussi folk qu’électriques, nous plonge dans les Pays-Bas du dix-septième siècle et raconte l’histoire d’un commerçant et de son épouse séparés par les océans, et dont la correspondance reflète leur amour et leurs découvertes.
Ce mois-ci, quelques jours avant la sortie tant attendue par les fans, nous avons eu l’extrême honneur d’interviewer le très sympathique Mr Lucassen, qui nous en dit plus sur le projet, la tournée, mais aussi sur l’adaptation théâtrale d’un de ses albums ainsi que sur ses goûts très variés en matière de fiction télévisuelle !
Cela faisait-il longtemps que tu songeais à une collaboration avec Anneke ?
Arjen A. Lucassen : Non, pas vraiment. Mais c’est ma chanteuse préférée, donc bien sûr, je veux continuer à travailler avec elle ! Comme tu le sais probablement, on a déjà collaboré ensemble sur « Into The Electric Castle » pour AYREON en 1998, puis, plus tard, sur « 01011001 » (2008, NDLR). J’apparais également sur son album « Pure Air » (2009, NDLR). On est toujours restés en contact durant toutes ces années.
J’ai travaillé avec tellement de gens (près d’une centaine de chanteurs à ce jour !), mais dès que je me suis attelé à ce nouveau projet, j’ai tout de suite pensé que ce serait super de le mettre sur pieds avec Anneke ! (Rires) Coïncidence : dans le même laps de temps, j’ai reçu un mail de sa part exprimant sa volonté d’écrire quelques chansons avec moi. J’ai répondu que je travaillais actuellement sur un projet et que j’avais justement pensé à elle ! Je lui ai envoyé la démo, et elle m’a tout de suite rejoint…
N’était-ce pas difficile de composer une version acoustique et une version metal pour chaque morceau ?
Si, très difficile ! C’était terrifiant… (Rires) Mais j’adore relever les défis. Pour chaque album que j’écris, j’ajoute quelque chose en plus, et je vais au-delà de mes propres limites. D’ailleurs, c’est sûrement comme ça que le projet est né : j’avais tous ces morceaux sous la main et je me suis demandé : « Est-ce que j’arriverais à en tirer deux versions qui se distinguent complètement l’une de l’autre en exploitant différents instruments ? Plus important encore, est-ce que j’arriverais à les rendre aussi pertinentes ? »
Qui a eu l’idée de déguiser Anneke pour le clip de Heart Of Amsterdam et de la faire déambuler dans la capitale néerlandaise ?
Ce n’était pas la mienne, je le jure ! En réalité, c’est son mari (Rob Snijders, NDLR) qui en a eu l’idée. Anneke, très courageuse, a courageusement accepté (Rires)
Cette vidéo devait être prise au second degré, étant donné que la première (lyric vidéo de Endless Sea, NDLR) était très austère, et que la prochaine (Shores Of India, sortie le 23 mars, NDLR) sera un vrai clip à gros budget. Entre les deux, on voulait en faire une qui présenterait notamment le groupe… Le label ne l’a pas vraiment comprise et s’attendait à un projet typé dix-septième siècle… Mais il faut bien comprendre qu’il ne s’agit que d’un projet que nous avons écrit. Nous sommes des gens de l’ère moderne, et nous ne faisons que raconter une histoire.
Comment as-tu vécu ton retour sur scène pour la tournée acoustique ?
J’avais la trouille ! Cela faisait des années que je n’étais plus retourné sur scène… Quand Anneke m’a demandé de la rejoindre pour la tournée, je lui ai répondu du tac au tac : « Tout, mais pas ça ! » Et puis j’ai réalisé que j’avais osé dire non à Anneke… Je lui ai demandé de combien de concerts il s’agissait, elle m’a dit : « Juste trois ou quatre… » Finalement, j’ai pensé que ça serait une bonne occasion pour présenter THE GENTLE STORM. Je crois vraiment en ce projet, pour lequel j’ai tout donné. Peu après, de plus en plus de gens ont su que j’allais retourner sur scène. Des promoteurs voulaient me booker, et la liste des concerts s’est allongée… A la vue de tous ces emails, j’ai commencé à me sentir très nerveux et à faire des cauchemars sur la tournée, comme à l’époque. Je ne pouvais plus faire marche arrière !
Au final, je suis fier d’être allé jusqu’au bout. C’était super de voir tous ces visages ravis, de rencontrer plein de gens après les concerts et de voir ce que ma musique signifie pour eux. D’un autre côté, j’ai aussi compris que ce train de vie n’est pas pour moi… Mais je suis content de l’avoir fait !
Peut-on espérer te revoir sur scène bientôt ?
Là tout de suite, j’ai besoin de rester chez moi. Donc il n’en est pas question pour le moment. Je suis content d’être de retour à la maison, de jouer avec mon chien et de m’amuser dans mon studio ! Ma vie est faite de cela. Mais peut-être un peu plus tard, si quelqu’un en fait la demande, j’essaierai de me remémorer les bons côtés de cette tournée et j’accepterai… Il ne faut jamais dire jamais.
Quelles sont pour toi les différentes étapes qui constituent la création d’un album ?
Je commence toujours par la musique, qui m’inspire pour créer le concept et l’histoire. Ensuite, je commence à me pencher sur les chanteurs, puis je les contacte, mais cette partie-là n’est jamais facile… Une fois que les chanteurs ont accepté, je m’attelle à l’écriture des paroles et je les adapte à chaque interprète. C’est un processus complexe, mais c’est comme ça que je fonctionne.
Y a t-il un artiste en particulier avec qui tu rêves de collaborer ?
Oui, et la liste n’en finit plus ! (Rires) Il y a tellement de gens avec qui j’aimerais collaborer… Tout d’abord, les artistes avec lesquels j’ai grandi dans les années 1960 et 1970. Mes groupes fétiches sont PINK FLOYD, les BEATLES, LED ZEPPELIN… Si je pouvais travailler avec ces héros, ça serait tellement génial !
À quoi devons-nous nous attendre avec « The Theater Equation », l’adaptation au théâtre de l’album d’AYREON, « The Human Equation » (2004) ?
Le projet a été initié par mon ancienne manager, Yvette (Boerdje, ndlr), qui a déjà travaillé pour le théâtre. Une fois, on discutait, et elle m’a dit : « J’ai besoin d’un challenge ». Je lui ai répondu : « Pourquoi ne pas monter une production au théâtre basée sur « The Human Equation » ? » Mais je disais ça pour plaisanter… Pourtant, elle a discuté l’idée et m’a demandé qui rejoindrait le projet. Bien entendu, j’ai répondu qu’il serait génial de faire appel aux chanteurs originaux. Nous avons contacté James LaBrie, qui s’est empressé de nous dire : « Bien sûr ! J’adore cet album ! ». C’est à partir de là que c’est devenu intéressant.
On a contacté le reste du cast, et tout le monde a répondu présent, sauf Mikael Åkerfeldt, qui n’avait pas le temps, et Devin Townsend parce que… Eh bien, parce que c’est Devin Townsend ! (Rires) Je crois qu’on n’a jamais eu de retours de sa part. Puis, le projet a commencé à prendre forme et à faire parler de lui. On a trouvé un énorme théâtre pour l’événement (Le Nieuwe Luxor, à Rotterdam, NDLR) et en un rien de temps, les trois représentations affichaient complet !
Pour ma part, j’ai assisté à quelques répétitions des chœurs, mais ça s’arrête là. Je ne suis pas investi de manière active, et ma participation s’est limitée à sélectionner les chanteurs, les musiciens… Je sais qu’ils ont déjà répété avec les doublures, mais je n’ai encore rien vu. Je ne peux donc pas t’en dire plus.
Est-ce que tu avais ce genre d’initiative en tête depuis longtemps ?
Je ne pouvais pas me lancer là-dedans moi-même, n’étant pas spécialiste en la matière. Bien sûr, j’espérais qu’on me propose ce genre de chose un jour. Je ne connaissais personne dans le domaine, sauf Yvette, mais à l’époque, elle avait trop à faire en tant que manager. Maintenant qu’Yvette a finalement mis tout cela en place, peut-être pourrait-elle adapter d’autres albums si « The Theater Equation » fait succès. Pourquoi pas « Into The Electric Castle » ou mon dernier album, « The Theory Of Everything » (2013)…
J’espère que ça se fera pour « The Theory Of Everything », cet album est excellent !
Ça ne serait pas évident, car l’histoire est un peu plus complexe… Pareil pour « Into The Electric Castle », étant donné son univers fantastique… Je pense que « The Human Equation » était le plus facile : le personnage principal est dans le coma, et il est facile de représenter les émotions à l’aide de costumes. À réfléchir !
J’ai cru apercevoir ta belle collection de coffrets DVD dans les trailers de THE GENTLE STORM, notamment ceux de « X-Files »… Quelles sont tes séries favorites ?
Tout a commencé avec « Star Trek »… C’était les années 1960, je n’étais qu’un gosse ébloui par toutes ces drôles de planètes, par le ciel rouge… J’ai toujours adoré « Star Trek ». J’aime aussi beaucoup les séries de science-fiction actuelles, comme « Blake’s 7 », une série bien kitsch produite par la BBC… Récemment, je me suis mis à « Dexter ». J’ai vraiment accroché ! J’ai aussi adoré « Six Feet Under » et, en ce moment, je suis dans « The Walking Dead ». C’est vraiment cool, comme série. Je suis également très fan de « Downton Abbey ». Quand on ne connait pas, on s’imagine que c’est une série sur des Anglais prenant le thé, mais ça n’a rien à voir ! Sinon, le mois dernier, j’ai enfin découvert « Lost ». Ça m’a vraiment plu, hormis la fin…
Oui, j’ai cru comprendre que beaucoup de fans avaient été déçus par le dénouement…
Ça a été une énorme déception. C’est la même chose avec la fin de « Dexter » : j’ai tout adoré, et j’ai été atterré par le dernier épisode. En revanche, une série comme « Breaking Bad » est fantastique de bout en bout.
Je suis passionné de télé, et chaque soir, le rituel est le même. Pas mal de séries de science-fiction ont beaucoup d’humour : c’est le cas de « X-Files ». La complicité de Mulder et Scully est sans pareil… Je me souviens de cet épisode où ils pensent être sur une île et ne font que parler, c’était magnifique ! (pour les fans : l’épisode en question, issu de la saison 3, s’intitule Quagmire, NDLR) C’est aussi la raison pour laquelle j’adore « Star Trek ». L’humour est crucial pour moi. Et aussi sombre que « Breaking Bad » puisse être, on pouvait aussi y déceler un soupçon de légèreté.
Arjen accompagné de son chien Hoshi !
Penses-tu déjà à ton prochain projet musical ?
Je ne planifie jamais à l’avance, sinon, ça ne fonctionne pas ! (Rires) Je n’arrête pas de changer d’avis. J’ai effectivement quelque chose en tête, mais je ne sais pas si ça aboutira. Cela dépend aussi des CD que j’écoute, ou si j’en viens à discuter avec un chanteur, comme cela s’est déroulé pour THE GENTLE STORM. Si Anneke ne m’avait pas approché, l’album aurait probablement été très différent !
Si aujourd’hui, je laisse les choses venir à moi, avant, tout devait être réglé comme du papier millimétré, et ce depuis le premier album d’AYREON… Je pense que si on planifie trop les choses, on est limité, et l’esprit se ferme.
Tout ça pour dire que si le prochain album n’est pas le deuxième de THE GENTLE STORM (car j’adorerais en faire un deuxième si le premier a du succès), alors ce sera quelque chose qui sera à l’opposé. Pour moi, « The Diary » est un album très féminin, peut-être à cause de la voix d’Anneke, ou peut-être parce qu’il s’agit d’une histoire d’amour, ou bien alors parce que la musique a un aspect plus doux… Du coup, le prochain album risque bien d’être une réaction à cela, quelque chose de très brutal (Rires)