Pour moi, le Hellfest, c’est similaire à la magie de Noël de quand j’étais enfant : on a attendu sagement une année, on a regardé l’affiche, on a fait et refait son running-order en écoutant religieusement tous les groupes présents… Puis, les dernières heures de route pour accéder à Clisson semblent durer une éternité. Mais le cadeau proposé est bien trop important pour s’en plaindre !
L’infrastructure est dingue : grâce à ses 6 scènes, le festival peut s’offrir une affiche dantesque qui sert un large spectre de genre, du doom avec CANDLEMASS au brutal death de BLOODBATH, en passant par les mastodontes qui seront représentés par KISS, SLAYER ou encore TOOL cette année. Mais le Hellfest se permet de prendre des risques avec des groupes qui n’auraient pas eu leur place il y a quelques années : je pense notamment à STONE TEMPLE PILOTS, COMBICHRIST, ou encore JO QUAIL. Chaque année, c’est pour moi une occasion de voir des groupes rares, dans des conditions qui sont souvent irréprochables !
Chaque année, le festival propose des décors et ambiances époustouflants…
Le Hellfest offre des conditions qui sont rares, d’abord pour les musiciens : les scènes sont gigantesques, et le son a été un des points forts de cette édition, contrairement à 2018 où il manquait de clarté (peut-être dû aux nouvelles lois sur les décibels). Côté visuel, les choses ont aussi été repensées, du moins pour les Mainstages : les nouveaux écrans entre les scènes sont énormes, et au fond des scènes, un écran LED incurvé de 150 mètres sur 11 fournis par la société Nexxt a un rendu incroyable. Les informations concernant les écrans ont été communiquées en amont du festival aux groupes, et c’est notamment GOJIRA et ARCHITECTS qui en tireront parti de manière ingénieuse.
Côté spectateurs, les écrans et le son sont top, mais en plus de ça, les files d’attente ont été fluidifiées, même si parfois il fallait faire preuve d’ingéniosité : oui, commander au bar de la Mainstage entre deux groupes sur ces mêmes scènes était une mauvaise idée. En revanche, foncer à l’Altar pour prendre une bière était plus rapide ! Avec 60 000 festivaliers par jour, le Hellfest gère la foule d’une main de maître.
Seul point noir, et là, mon manque logistique est peut-être à blâmer : l’accès à la Warzone a été un véritable parcours du combattant. La foule était si compacte depuis les Mainstages, et c’est bien normal, car sur la route se trouvent le bar à bière spéciale, deux zones de restauration, les toilettes, Le Kingdom Of Muscadet, le Hellfresh’… Quand je dis compacte, c’est que j’ai vu une personne aller des toilettes à la Warzone, qui était à priori son lieu de rendez-vous, en slammant !
Mais tout est pensé en amont pour le festivalier, et on peut même imaginer qu’ils ont agencé certains créneaux de leur running order afin de limiter les déplacements de foule.
Cette année, la programmation est tellement importante sur les Mainstages et sous le combo Altar / Temple que je n’irai que de manière exceptionnelle à la Warzone ou à la Valley.
Le Hellfest, c’est aussi une capacité d’adaptation : deux groupes ayant annulé leur prestation ont été remplacés par des artistes auxquels le genre s’apparentait. On ne parle plus du remplacement de MANOWAR par SABATON, qui a proposé un show digne d’une tête d’affiche en termes de lumières et de pyrotechnie. Egalement, on a eu MYRKUR qui a été remplacé par JO QUAIL, une violoniste proposant de l’ambiant, pour ne pas décevoir les fans de la première.
Malgré tout, leur communication sur le site du festival est perfectible : même s’il était compliqué de passer à côté de l’annulation de MANOWAR tellement tout le monde en parlait, je m’attendais à avoir l’information projetée sur les quelques écrans géants que compte le site. J’ai appris l’info du remplacement à 19 h seulement, alors que qu’elle avait été donnée bien plus tôt dans la matinée. Quant à JO QUAIL, je suis sûr que j’apprends cette information à certains en écrivant ces lignes…
En arrivant sur le site, je compatis pour les personnes qui n’étaient pas présentes la veille, au Knotfest : d’ordinaire, les premiers arrivés sur le site ont une vision de paradis. L’herbe est flamboyante, et le site impeccable. Malgré tous les efforts du service de nettoyage, qui fait un boulot monstre chaque soir, l’illusion n’est pas parfaite. En effet, ils ne peuvent pas faire repousser l’herbe d’un coup de baguette magique !
La journée s’annonce chargée. Elle commence avec GLORYHAMMER et se finit avec GOJIRA. L’autre groupe de Bowes (ALESTORM), va montrer sur scène que le power metal peut se renouveler. Tout de vert vêtu, le chanteur de GLORYHAMMER va délivrer une prestation qui saura en décontenancer plus d’un : j’entendrai même un « Mais putain il est sérieux ! » quand il donnera des coups de marteau géant à un gobelin venu lui chercher des noises ! Ils ont su optimiser les effets visuels malgré le fait qu’il était midi, et ça, ce n’est pas évident.
Venus d’Annecy et actif depuis 2002, c’est au tour de BLACKRAIN de monter sur scène. Et je n’ai pas été transporté par leur son… J’aimerais revoir le groupe dans une autre configuration pour me faire une idée plus détaillée. Je pars avant la fin pour aller voir les mystérieux UADA, qui ont servi une prestation pleine d’énergie. Les Américains ont sorti leur premier album il y a peine trois ans et écument les planches en Europe, il n’y a pas dire, leur black metal me prend aux tripes avec leurs mélodies et me font oublier les défauts. C’est parfois répétitif, et le son ne leur rendra pas justice.
Ensuite, retour sur la scène 100% française, avec LOFOFORA. J’ai avec ce groupe une histoire d’amour : je connais les deux premiers albums par cœur, j’ai écouté ce qu’ils ont fait ensuite mais mes goûts ont évolué. J’attendais beaucoup de ce concert, et c’est pour moi la grosse déception. Je ne me retrouve pas dans la setlist jouée pourtant composée de hits. Reno s’amuse sur scène, se permet quelques petites blagues, l’énergie déployée par le groupe est suffisante pour captiver une bonne partie de la fosse. J’aurais aimé un titre en acoustique issu du dernier album… Je reste néanmoins jusqu’à la dernière chanson, pour terminer avec un Weedo du plus bel effet qui me fera sauter dans la fosse.
Blackrain
Je cours sous la Temple pour voir TROLLFEST, dont on m’a beaucoup parlé… Je crois qu’on peut dire qu’on me l’a survendu ! Certes, c’est rigolo, il y a des ballons, neuf membres sur scène, des instruments atypiques… Mais si on écoute, il se passe quoi ? La voix est cradingue, le mix avec l’ensemble d’instruments rend le tout inaudible. Je reconnais Toxic de Britney Spears, qui rend le public fou. D’ailleurs, le seul truc qui a pour moi sauvé ce show, c’est le public, enflammé comme rarement je l’ai vu : ça rame, ça pogotte, ça enchaîne les « wall of death » et « circle pits » chanson après chanson… Pourtant, le groupe ne dégage rien de particulier, si ce n’est qu’ils s’amusent, et la fosse le leur rend bien. Je pars du concert en ayant l’impression de passer à côté de quelque chose.
Je me place pour DEMONS AND WIZARDS. Je n’ai encore jamais eu la chance de voir BLIND GUARDIAN, alors je me dis que ça sera le lot de consolation, dans la mesure où je m’apprête à voir Hansi Kürsch avec une autre formation. Exit l’univers de Tolkien : on se retrouve avec une scène minimaliste, décoré par quatre pierres tombales. Le combat entre l’enfer et le paradis peut être disputé ! Ceci dit, je m’attendais à quelque chose de beaucoup plus pêchu, plus prenant. Les artistes sur scène sont quasiment absents. Je ne suis pas emballé, la chaleur me fait quitter le devant de la scène, et puis, il est l’heure pour la première bière de la soirée !
Je reviens pour DREAM THEATER. Ce n’est pas leur premier passage au Hellfest, mais c’est la première fois pour moi. La batterie est impressionnante, le pied de micro est à l’effigie du dernier album « Distance Over Time » qui traite de transhumanisme. Tout est prêt pour une heure de show composé de 8 titres. Et force est de constater qu’avec la moitié du show consacré au dernier album, le tout est mou. Sans dire que l’on s’ennuie, on dira que la technicité des musiciens ne fait pas tout. Je suis tout de même heureux d’avoir vu Petrucci et sa bande jouer des classiques tels que As I Am, ou Pale Blue Dot.
Ultra Vomit
Après avoir atomisé la Mainstage 2 en 2017 et effectué plusieurs tournées dans toute la France, l’orchestre ULTRA VOMIT va délivrer un set d’une heure devant un public en furie, qui aura d’ailleurs eu raison de mon t-shirt, tombé en lambeaux dans le pit ! C’est de mémoire leur plus grande scène, et ils en on pris toute la mesure : du gospel sur Jesus, un invité de marque sur Le Chien Géant, le mec des canards sur Je Collectionne des Canards Vivants, et nul autre qu’un sosie de Calogéro pour Calojira (la ressemblance est telle que je me ferai avoir !).
Manard et sa bande s’amusent sur scène, et même plus qu’en 2017. Si chaque chanson est accompagnée de sa blague (mention spéciale pour Maïté avec du Corpsepaint !), la production est léchée. On retrouve le plaisir du son ultra chiadé de l’album, avec la présence et la chaleur du live. ULTRA VOMIT sont des pros, et ils l’ont à nouveau prouvé !
Annoncé une année plus tôt, DROPKICK MURPHYS vont soulever la foule. Je regarderai de loin, mais voir les Irlando-Américains s’amuser en chantant à propos de « Gettin’ drunk and fighting in bars » sur une setlist fournie de 19 titres réussiront à me faire danser, tant le show est communicatif !
Alors, SABATON, pourquoi avoir voulu assurer le remplacement de MANOWAR, alors que Joakim ne pouvait pas chanter ? Ben Barbaud soulignera le professionnalisme du groupe qui, malgré ce souci, s’est lui-même proposé et a assuré un show digne du créneau qui lui était attribué. Effectivement, Chris et Tommy on assuré les voix, pendant que Joakim faisait office de Mr Loyal ! C’est aussi pour ça qu’on vient au Hellfest : si en rentrant on m’avait dit « T’as loupé un show rare de SABATON ! », j’en aurais été attristé, car je ne pense pas que l’occasion se représentera.
Sabaton
Malgré tout, ça manque de puissance, même si le taff est assuré. Si Joakim avait été en pleine forme, le show aurait été magistral. Le groupe peut tout à fait tenir ce genre de scène avec une volonté rare – ils me l’ont déjà prouvé. Même si, heureusement pour eux, la lumière et la pyrotechnie font le travail à eux seuls, il ne faut pas oublier qu’ils peuvent représenter un piège, et qu’à l’avenir, il faudra faire attention de ne pas tomber dedans et multiplier les efforts sur scène.
Enfin, le monstre français, le groupe qui squatte les plus grandes scènes d’Europe et d’Amérique et qui n’était pas venu au Hellfest depuis 2016, j’ai nommé GOJIRA, a délivré un set d’une puissance inouïe ! La dernière fois que j’ai vu les Landais, c’était en première partie de SLAYER en 2012. Aujourd’hui, le show est bien différent… Du haut de leurs six albums, le groupe jouera seulement 4 morceaux de « Magma », et 4 de « Terra Incognita », les autres albums du groupe ne sont pas en reste et sont presque tous représentés.
Le show lumière est impressionnant : la batterie est montée sur un écran qui suit la projection de celui du fond, ce qui lui donne un aspect « flottant ». Le son est bon, le groupe est très communicatif et remerciera « les potos qui ont joué toute cette journée sur cette scène », et Ben Barbaud affirmera d’ailleurs qu’il est très heureux de voir des groupes français pouvoir assurer des show dignes des plus grandes têtes d’affiche du metal. Il a ajouté que GOJIRA pourrait être une tête d’affiche majeure de la Mainstage 1 à l’avenir.
Un feu d’artifice ravira nos yeux qui n’en demandaient pas tant pendant The Gift Of Guilt. Les lumières, le son, l’investissement du groupe, le créneau qui leur a été donné font que pour moi, il s’agit d’un des meilleurs concerts du Hellfest que j’ai pu faire, toutes éditions confondues. Une heure de set plus tard, la journée se termine déjà. Le clou a été enfoncé, et il faut rentrer dormir, car, dans moins de 10 h, on sera devant SHAÂRGHOT…
A très vite pour la suite !
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Photos : Julien Zannoni