Un quatrième album armé jusqu’aux dents, un clip punchy à souhait, et une BD qui en impose : rien de tel pour préparer le grand retour des Parisiens de THINK OF A NEW KIND. Raf, chanteur de la formation, nous explique tout – et plus encore, au sujet de cette nouvelle étape de leur carrière, marquée, donc, par la sortie de « Ideals Will Remain » le 28 février dernier…
Quel genre de retours avez-vous depuis l’arrivée de l’album ?
Pour le moment, les retours sont très positifs. Je sais que c’est très cliché de dire ça, dans la mesure où personne ne va te dire : « Ils sont pourris »… On a même eu un webzine allemand qui nous a mis 9/10 ! Ça ne nous était encore jamais arrivés, surtout en Allemagne, où le public est quand même exigeant..
Pour le moment, le morceau qui ressort le plus est Dead End’s Night, un de mes titres préférés. C’est assez drôle, car on a galéré sur certains éléments lors de la compo, le couplet est arrivé très tard… Mais en écoutant la version finale, on s’est vraiment rendu compte de son potentiel.
J’ai cru comprendre que vous avez dû surmonter un certain nombre de difficultés pour sortir l’album, d’où les cinq ans qui séparent les deux dernières sorties…
En fait, l’album est enregistré depuis janvier 2018… Et il ne sort que deux ans plus tard ! Il faut dire qu’on a pris le temps de tourner pour la promotion de « Symbiosis », puis on s’est arrêtés pour composer. On a aussi dû gérer un nouveau changement de guitariste, puisque Charly Jouglet a été remplacé par Thomas Moreau début 2017.
Pour la sortie d’ « Ideals Will Remain », on souhaitait mettre toutes les chances de notre côté, c’est pourquoi on a décidé de faire remixer l’album par HK Krauss du Vamacara Studio, qui a notamment travaillé pour LOUDBLAST, DAGOBA et KAUSE 4 KONFLIKT.
Après tout ça, on a cherché un label qui serait prêt à sortir l’album. Notre « patience » a payé, puisqu’on a réussi à signer avec Verycords ! Ça reste un label indépendant, mais qui est important dans le milieu, et c’est grâce à eux qu’on a pu développer notre concept à ce point. Le clip était déjà prêt, et ils nous ont motivé à aller encore plus loin. On leur parlait du « comic book », et ils nous ont dit d’arrêter d’en parler, et de le faire !
Justement, comment l’idée de comics est venue à l’origine ?
En fait, on en parlait plus comme d’une influence. Notre concept est ancré dans la pop culture, le post-apo… On cite souvent Mad Max, Batman… Verycords nous a encouragé à expliciter notre concept assez complexe sous la forme d’une BD. Certes, ça a l’air d’être les méchants contre les gentils : il y a de ça, mais il contient aussi quelques subtilités !
Il a donc fallu qu’on se mette à bosser sur le scénario. On a ensuite contacté Marcelo Ferreira, un artiste brésilien qui travaille notamment pour Marvel. En utilisant les bons mots, et en citant les bonnes influences, on l’a vite convaincu de bosser avec nous, sans compter qu’il est fan de metal !
Le pire, c’est qu’il ne nous a jamais rencontrés. Il s’est uniquement basé sur des photos de nous, ce qui est fou, quand on voit la précision des tatouages, des bijoux…
Le clip de The Pledge vient donc compléter la BD ?
C’est un peu plus que ça : pour moi, la musique, les paroles, la pochette et les clips font partie d’un tout. L’histoire est multi-format, et afin de la comprendre, il faut se plonger dans chaque élément. Ça paraît laborieux, mais d’un autre côté, ce travail de recherche peut s’avérer intéressant pour l’auditeur. Et s’il a juste envie d’écouter l’album, c’est possible aussi ! Bien sûr, la BD est le format qui va le plus expliquer, avec une réelle intro qui présente l’histoire.
On reprend un peu le genre de narration de Bloodborne, par exemple, un jeu vidéo assez récent qui m’a vraiment scotché. L’histoire n’est pas racontée avec des cinématiques, comme on a l’habitude de voir : globalement, pour comprendre l’univers du jeu, on doit se pencher sur la description des objets, ou encore réfléchir sur la localisation de tel ennemi… Je trouve ça très intelligent.
Comment le groupe s’y est-il pris pour concevoir ce concept ?
Pour la première fois, on s’est réunis autour d’une table, et on a parlé de ce qu’on voulait dire avec cet album. C’était peu après notre tournée 2015, et pas si longtemps après les attentats du Bataclan. On avait envie d’en parler, de ne pas rester les bras croisés. Le monde se barrait en couilles, et il fallait qu’on s’exprime…
D’autre part, il y avait aussi le fait qu’on travaille dans la musique depuis des années et qu’on se retrouve sans arrêt confrontés à des murs, tout ça parce qu’un label étranger va te dire : « c’est bien ce que vous faites, mais je ne peux pas vous sortir, vous ne vendez rien en France »… Forcément, puisqu’on fait du metal, et que les Français n’en achètent pas. On a donc voulu prendre le contrepied et assumer : on a une histoire de révolutionnaires, et c’est notamment la raison pour laquelle on trouve quelques phrases en français dans l’album.
Enfin, je suis incapable d’écrire des textes politiques, d’où l’univers de fiction à la Black Mirror, qui parle de notre monde sans que ça le soit vraiment. En plus, je trouve ça amusant de me mettre à la place du maître de jeu. Au moins, personne n’a rien à dire : c’est mon univers, et j’en fais ce que je veux ! (Rires)
C’est aussi grâce aux visuels de Ludovic Cordelières qu’on a pu développer l’univers, d’où le « bad guy » recouvert de bandes…
Image extraite du clip de The Pledge
Un personnage qui est central dans le clip. Au passage, comment êtes-vous parvenus à élaborer un clip d’une telle qualité ?
Il était important pour nous de marquer les esprits et présenter l’univers de notre premier concept album. On souhaitait aussi insister sur le passage de « T.A.N.K. » à THINK OF A NEW KIND…
On a fait de nouveau appel à Julien Metternich, qu’on connait depuis longtemps et qui avait d’ailleurs fait une de nos toutes premières interviews, aux alentours de 2010. On lui a proposé le projet en spécifiant bien qu’on n’avait pas beaucoup de moyens… (Rires) Heureusement qu’il était partant, car il a eu plein de bonnes idées : il a notamment trouvé le lieu et l’idée générale qui découle de notre concept.
Pour le maquillage, on a fait appel à une de nos très bonnes amies, Camille André. Elle a extrêmement bien bossé sur nos blessures, mais aussi sur le visage bandé du « bad guy », inspiré, encore une fois, du visuel de Ludovic Cordelières.
Du côté des acteurs, il y a nous… et nos potes ! Ils ont eu le courage de passer une journée entière avec des bandages qui grattent sur le visage et des céréales ramollies en guise de croûtes… (Rires)
En ce qui nous concerne, on voulait se mettre un peu en scène, même si on n’a pas énormément d’expérience dans le domaine, mis à part moi, qui ai un film à mon actif sur IMDb… (Rires). On s’est simplement inspiré de nos personnalités. De cette façon, on n’a pas l’impression qu’on joue trop, même si nos rôles ne sont pas compliqués à interpréter.
Mais du coup, j’suis dégoûté, on a eu aucune nomination aux César, et c’est Polanski qui a tout pris… (Rires)
Peux-tu m’en dire plus sur le fameux slogan « Notre metal est plus fort que le leur », scandé dans le morceau ?
On devait se produire le 14 novembre 2015 au Havre… Bien sûr, le concert a été annulé. Dans notre communiqué qui faisait suite aux attentats, et où on annonçait l’annulation, on a aussi ajouté qu’il fallait continuer à se battre et à se bouger. Olivier avait terminé par cette métaphore, que j’avais trouvé super chouette. Je l’ai donc reprise dans ce morceau, indépendamment des attentats, car elle se prêtait bien au thème de l’album.
Pour revenir à ce que tu disais sur la difficulté pour les musiciens français de s’exporter : même si le milieu de la musique reste compliqué, penses-tu que le fait d’être à Paris facilite les choses pour vous ?
Je pense, oui. On a pu discuter avec d’autres groupes qui ne sont pas du coin, et en fait, c’est tout ou rien : soit tu deviens le porte étendard de ta ville (DAGOBA à Marseille, GOJIRA à Bayonne, IN ARKADIA à Lyon, etc…), soit c’est un peu plus compliqué… Néanmoins, on parle quand même ici de grandes villes. Je ne sais pas comment les groupes de metal font à Quimper, ou à Besançon… (Rires). À Paris, en plus du fait que beaucoup de choses s’y passent, on a tout simplement plus de concerts, donc plus d’opportunités pour se faire un réseau.
Après, on ne va pas se mentir : c’est tellement compliqué pour tout le monde qu’il n’y a pas de réelle solidarité… Il y a beaucoup de fraternité et de respect, mais les bons plans sont tellement rares qu’il est difficile de se voir aidé par un autre groupe. En fait, on galère tous !
Mais il est vrai que beaucoup de choses se passent à Paris… Et trois jours par an à Clisson ! (Rires)
Comment as-tu démarré ton parcours musical ?
J’ai commencé la musique un peu par hasard ! J’en avais marre de faire du sport, et comme mon père est directeur d’un conservatoire de musique, je me suis dit : « pourquoi ne pas me mettre à la guitare ? ». Je me suis inscrit à l’arrache, juste parce qu’il fallait bien faire une activité extra-scolaire… J’ai bien aimé, et au fil du temps, je me suis dit que ça pourrait être marrant d’avoir un groupe.
J’ai eu mon premier groupe au lycée, où j’étais au chant et à la guitare. On était très mauvais, mais c’était super ! C’est à cette époque que j’ai découvert qu’on pouvait composer sa propre musique, ce qui me paraissait absolument improbable… Heureusement, j’ai rencontré un mec qui m’a clairement ouvert les yeux là-dessus. En plus d’être un mec adorable, son jeu de guitare m’a vraiment impressionné, moi qui ne connaissais que quatre accords ! Il m’a également initié à l’écriture, et on a mis en commun nos idées d’adolescents énervés qui écoutent KORN…
A savoir que ma passion pour le metal n’est pas venue tout de suite. Avec le temps, je me suis rendu compte que c’était une musique riche et complexe, d’où le fait qu’elle soit mal vue : les gens disent que c’est que du bruit, alors que c’est tout l’inverse ! On a vu le même genre de réactions de la part des adeptes de musique classique quand Stravinsky a présenté le Sacre du Printemps…
Du coup, le déclic pour le metal t’est venu comment ?
Au collège, je savais déjà que je voulais écouter autre chose que ce qui passait à la radio. Ma sœur m’a initié à l’électro. Après cela, j’ai découvert THE PRODIGY, parmi d’autres.
Pendant un temps, j’aimais le metal, mais qui ne gueulait pas trop. Du coup, je détestais SLIPKNOT ! Et pourtant, le jour où une amie m’a fait écouter Wait And Bleed, j’ai trouvé ça bien, mais pas assez bourrin… (Rires)
La révélation est venue en 1999, avec la sortie de Matrix, dont j’ai acheté la BO, justement parce qu’il y avait du PRODIGY, du PROPELLERHEADS… C’est là que je suis tombé sur Rock Is Dead de Marilyn Manson. Sur le moment, je n’ai pas su dire si j’avais détesté ou adoré, ce qui est bon signe ! C’était mon tout premier contact avec la musique metal.
Pour terminer, quel est ton meilleur souvenir sur scène ?
Je pense que ça reste notre performance au Hellfest, en 2013, même si ça a été beaucoup de stress, et qu’on ne voulait pas se louper ! 11h du matin, c’est compliqué, comme horaire… Heureusement, ce n’était pas 10h30, où même les gens qui sont motivés sont bloqués à l’entrée en train de se faire fouiller.
Il a donc fallu qu’on se bouge et qu’on mise un maximum sur la com’. On avait même créé un t-shirt blanc pour l’occasion afin que les fans le mettent la veille et ressortent dans la foule de metalleux habillés en noir !
On s’est retrouvés face à 5000 personnes, ce qui ne nous est plus arrivés depuis. Sur scène, j’avais l’impression d’avoir un super pouvoir : à un moment, j’ai pointé du doigt quelqu’un que je connaissais dans la foule, ce qui a eu pour effet de faire lever 30 autres mains ! (Rires) C’est tout bête, mais j’étais comme un gamin…
En autres souvenirs marquants, je mentionnerais la première fois que j’ai écouté le featuring avec Bjorn de SOILWORK sur notre album « Symbiosis », ou encore quand je me suis vu en héros de comic book… Ce travail n’est pas facile, mais heureusement, il y a des choses qui valent la peine !